Antoine Nouis : « Nul ne peut avoir la prétention d’épuiser le sens de la Bible »

Sur le site de La Croix

Entretien. Antoine Nouis est pasteur protestant. Longtemps  directeur de l’hebdomadaire Réforme, il est l’auteur de plusieurs livres  (1), mais aussi d’un monumental commentaire de la Bible (2). Il raconte  l’aventure inédite d’une lecture commentée de la Bible, verset par  verset. Histoire(s) de lire : l’interprétation.  Recueilli par Christophe Henning.

Antoine Nouis, vous avez entrepris un commentaire verset par verset de la Bible. Un travail de bénédictin, selon l’expression, pour un pasteur protestant. Quel enseignement tirez-vous de cette lecture biblique ?

Antoine Nouis : En commentant la Bible verset par verset, j’ai découvert d’abord que les auteurs du Premier Testament tels qu’Isaïe, Ézéchiel, David sont d’immenses écrivains. Je les compte parmi les plus grands poètes de l’Antiquité. Ensuite, lire la Bible, c’est pour moi entrer dans l’intelligence des Écritures. En fait, je pensais que ce commentaire pourrait aider les « professionnels » pour dire vite, les prêtres, pasteurs, aumôniers… À ma grande surprise il y a aussi des lecteurs qui cherchent gratuitement.

Cette lecture est exigeante, elle nécessite un vrai travail…

A. N. : Lors de mes études, j’avais un professeur d’exégèse qui ne cessait d’insister pour dire qu’il travaillait en scientifique. Et quand il avait fini, par exemple l’analyse du chapitre 12 de l’Évangile de Marc, il appelait sa grand-mère : elle avait tout compris. Pour comprendre la Bible, vous pouvez faire une recherche théologique, intellectuelle, ou lire la Bible tous les jours pendant cinquante ans.

N’y a-t-il pas des passages qui résistent malgré tout à la lecture et la compréhension ?

A. N. : Il y a des textes en effet moins accessibles. Il vaut mieux commencer par la Genèse ou l’Exode que par le Lévitique. Il faut prendre la Bible comme on entre dans une bibliothèque, avec une diversité de styles, d’approche. Cette richesse élargit la compréhension de Dieu. J’aime m’arrêter aux différents personnages, Abraham, Moïse, David, bien sûr, mais aussi aux figures plus secondaires comme Esther, Ruth ou Osée, parce que les différentes histoires dialoguent entre elles.

Quels seraient vos conseils pour une lecture proche, finalement, de la lectio divina des moines ?

A. N. : Le commentaire verset par verset a été une expérience de lecture inédite. J’ai procédé très simplement, pour me poser à chaque verset la question suivante : « Qu’est-ce que j’entends ? » Je m’efforçais de ne rien écrire pendant une demi-heure. Le texte s’ouvre et c’est une expérience de lecture qui dépasse le sens premier et l’analyse intellectuelle.

Je sais que, lorsque je reprends un passage de la Bible que j’ai déjà commenté, il va me dire autre chose. Je crois que la lecture régulière nous forge progressivement, nous façonne et nous fait entrer dans l’intelligence de Dieu. On dit que cette parole est « performative », elle a des effets sur le lecteur qui reçoit la parole dont il a besoin aujourd’hui.

N’y a-t-il pas différentes manières d’écouter ce texte, peut-être même dans la prédication ?

A. N. : Et même au théâtre ! Le comédien Gérard Rouzier a lu l’Évangile de Jean en scène : entendre le texte est encore une manière de le découvrir. Il anime des sessions et lors de l’une d’entre elles, il a proposé d’apprendre par cœur le Magnificat. L’une des participantes s’est arrêtée trois jours sur les deux premiers mots : « Mon âme »… La fréquentation régulière révèle la subtilité et la complexité du texte, ce qui est caché entre les lignes. Calvin disait : « De même que l’Esprit a inspiré les Écritures, l’Esprit inspire le lecteur. »

C’est le statut somme toute particulier du texte biblique qui nécessite une appropriation…

A. N. : Prenons l’expérience de la Pentecôte : les disciples ont parlé et chacun les entendait dans sa propre langue. C’est un miracle de la communication mais on peut difficilement imaginer que les disciples-émetteurs parlent plusieurs langues en même temps.

En revanche, côté récepteur, chacun les entend dans sa langue maternelle, c’est-à-dire la langue par laquelle j’ai reçu mon nom, dans laquelle j’ai appris à nommer le monde qui m’entoure. À la Pentecôte, j’entends une parole parmi les plus importantes qui ne m’ait jamais été dite dans ma langue.

Est-ce la raison d’une perpétuelle reprise des traductions ?

A. N. : L’exercice de traduction est bénéfique, pour travailler aujourd’hui le texte, et pas seulement à partir du grec ou de l’hébreu. Il m’arrive de lire des passages en anglais, ce qui oblige à prendre du temps pour comprendre le sens dans une langue que je ne maîtrise pas totalement. Les mots consonnent différemment. Ensuite, il y a des enjeux de traduction plus techniques, notamment en raison de la polysémie des mots, tout particulièrement en hébreu. Au début du livre de Job, sa femme lui dit : « Maudis Dieu et meurs ». Mais c’est peut-être « Bénis Dieu et meurs… »

Comment faire en sorte que les différentes versions ne déstabilisent pas le lecteur ?

A. N. : Le texte biblique est plus large que ce que nous pouvons en comprendre. Il n’y a pas une seule traduction : l’intérêt de l’étude est de se libérer d’une lecture dogmatique. Dans les années 1970, on opposait volontiers une lecture littérale à la démarche historico-critique, très stimulante intellectuellement.

Mais dans une dimension pastorale, d’aumônier d’hôpital par exemple, on n’a que faire des querelles exégétiques. « Enseigner à lire, telle serait la seule et la véritable fin d’un enseignement bien entendu : que le lecteur sache lire et tout est sauvé », disait Péguy (3).

La lecture de la Bible n’est-elle pas, en quelque sorte une perpétuelle découverte ?

A. N. : Il faut conjuguer un respect scrupuleux du texte en acceptant que chaque verset, chaque mot, chaque lettre puisse avoir une infinité de sens. Qu’il y ait des interprétations différentes doit enrichir la lecture et j’aime l’herméneutique rabbinique en perpétuel mouvement. Il n’y a pas une seule interprétation possible. Nul ne peut avoir la prétention d’épuiser le sens de la Bible.

(1) Lettre à mes enfants éloignés de l’Église pour leur raconter ma foi, Labor et Fides, 2023, 120 p., 15 €.

(2) La Bible, commentaire intégral verset par verset en six volumes, Éditions Olivetan/Salvator.

(3) Pensées, Gallimard.

109. Numérologie biblique

C’est un constat récurrent lorsque nous lisons couramment le texte biblique : il est truffé de chiffres étonnants et bizarres que nous peinons à décrypter. Le fait qu’une personne amie m’ait offert le livre de Benoît Gandillot, La Bible, la lettre et le nombre, a achevé de me convaincre qu’il fallait travailler un peu la question, de sorte à vous offrir la Petite École Biblique que vous avez sous les yeux.

Nous n’allons pas étudier spécifiquement le sens du nombre 100 ou celui du nombre 24. Très présents dans la ville du Mans où j’habite, à l’occasion de la 100è édition de la course mythique des 24 heures…

En revanche, nous allons nous attarder sur les nombres bien connus : 3, 4, 7, 12, 40, 153… Vous serez surpris des découvertes…


TABLE DES MATIÈRES

  1. COMPRENDRE LES NOMBRES
    Les nombres bibliques
    Qualification des nombres
  2. QUELQUES NOMBRES ARCHÉTYPAUX
    Trois et quatre
    Sept
    Douze
    Sept et Douze
    Vous ne comprenez pas encore ! ?
    Les superlatifs
    À propos de 3 et de 4, un hasard poétique ?
  3. LA SYMBOLIQUE DES NOMBRES 110 & 120
    Le nombre 110
    Le nombre 120
  4. LE NOMBRE-SYMBOLE PAR EXCELLENCE : 40
    La litanie des 40
    Dans le Nouveau Testament
    Indiquer la bonne interprétation d’un texte
    Un exemple avec Nb 14, 34
  5. EXEMPLES D’EMPLOI SYMBOLIQUE DU 153
    L’intentionnalité symbolique des auteurs
  6. ÉLIE ET LES ENVOYÉS D’OCHOZIAS
    Le prophète Élie
    Le feu sur le Mont Carmel
    Le feu sur les envoyés d’Ochozias
    Le jeu numérique avec 153
  7. JEAN ET LA PÊCHE MIRACULEUSE
    L’appel des quatre
    Le récit de Jean
    Un message missionnaire
    Un nombre-symbole en rapport avec l’accomplissement

Comprendre les techniques d’écriture symbolique

ANNEXES : les 24h du Mans


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PEB n° 1 à 31

Les livrets des Petites Écoles Bibliques n° 1 à 31 ont été retravaillés et remis en page grâce au logiciel Scrivener, travail annoncé et terminé. Cela se poursuivra progressivement pour unifier correctement l’ensemble du site. Merci à tous les internautes qui téléchargent et font connaître les livrets.

108. Le Paraclet

Nous avons besoin de mieux connaître l’Esprit Saint. Ces dernières dizaines années, notre attention a été attirée par la présence et l’exercice des charismes, par tout le peuple de Dieu au sein de l’Église.

Dans cette étude biblique, la perspective est plus fondamentale. Il s’agit d’écouter et d’approfondir les cinq promesses de l’Esprit Paraclet faites par Jésus dans l’Évangile selon saint Jean.

Ce sont seulement quelques versets sur l’ensemble de son Évangile, au coeur même des dernières paroles d’adieu, avant d’entrer dans la Passion.

Mais c’est l’enseignement le plus profond sur l’Esprit Saint que Jésus ait donné, retranscrit par Jean :
✓ L’autre Paraclet
✓ L’enseignement de l’Esprit-Paraclet
✓ Le Paraclet témoin de Jésus
✓ Le Paraclet et le péché du monde
✓ La révélation de l’Esprit et la plénitude de la vérité

Ce sont des paroles lumineuses, bien que difficiles à comprendre dans leur concision même. On ne les cite pas très souvent, on ne les utilise pas beaucoup dans la catéchèse chrétienne; elles sont plutôt ignorées, pour tout dire. Pour bien les comprendre, il faut les mettre en rapport avec le contexte de tout l’Évangile de Jean, et prendre le temps de tourner autour…


TABLE DES MATIÈRES

I. L’AUTRE PARACLET

  1. UN AUTRE PARACLET
  2. LE MONDE
    Il ne peut le recevoir
    Il ne le voit pas
    Il ne le connaît pas
  3. LES DISCIPLES
    Leur attitude est en contraste avec celle du monde
    Vous le connaissez
    Il demeure auprès de vous
    Il sera en vous
  4. LA PROMESSE
    Un don du Père
    Il sera pour toujours avec vous
    Aide et assistance
    En résumé

II. L’ENSEIGNEMENT DE L’ESPRIT- PARACLET

  1. LES PAROLES DE JÉSUS ET L’ENSEIGNEMENT DU PARACLET
    Parole et paroles
    Un complément d’un autre ordre
  2. L’ESPRIT SAINT ENVOYÉ AU NOM DE JÉSUS
    L’Esprit, le Saint
    En mon Nom
  3. IL ENSEIGNERA
    L’enseignement propre à l’Esprit
    Une pénétration progressive
    Une intériorisation de l’enseignement de Jésus
  4. IL RAPPELLERA
    « Se souvenir » dans l’A.T.
    Dans le N.T.
    La tâche propre de l’Esprit Saint
    En résumé

III. LE PARACLET TÉMOIN DE JÉSUS

  1. TÉMOIGNAGE ET PERSÉCUTION
    L’importance du contexte
    Esprit et témoignage dans les Actes
  2. L’ESPRIT QUI PARTIRA D’AUPRÈS DU PÈRE
    Auprès du Père
    Ce n’est pas une répétition inutile
  3. LE TÉMOIGNAGE DE L’ESPRIT
    Il témoignera… vous aussi vous témoignerez
    Un témoignage intérieur qui affermit
    Au sujet de Jésus qui est auprès du Père
  4. LE PROCÈS DE JÉSUS
    Jean spiritualise le témoignage
    En résumé

IV. LE PARACLET ET LE PÉCHÉ DU MONDE

  1. LE VERBE « ÉTABLIR LA CULPABILITÉ »
  2. LE CONTEXTE DE Jn 16,7b-11
    La tristesse des disciples
    De la 3° à la 4° promesse
  3. LA DÉMONSTRATION DU PARACLET
    Un parallèle intéressant : Jn 8, 46
    Comment s’y prendra l’Esprit pour continuer son œuvre ?
  4. PÉCHÉ, JUSTICE, JUGEMENT
    Péché, parce qu’ils ne croient pas en moi
    Justice, parce que je vais au Père et que vous ne me verrez plus
    Condamnation, parce que le prince de ce monde est condamné
    En résumé

V. LA RÉVÉLATION DE L’ESPRIT ET LA PLÉNITUDE DE LA VÉRITÉ

  1. LE VERSET D’INTRODUCTION (v. 12)
    Une contradiction avec 15,15 ?
    Deux grandes périodes
    Je vous ai dit ces choses
    Vous ne pouvez pas les porter maintenant
  2. LA PLÉNITUDE DE LA VÉRITÉ
    Conduire, introduire…
    La vérité tout entière
  3. LA RÉVÉLATION DE L’ESPRIT DE LA VÉRITÉ (vv. 13-15)
    Structure du passage
    Il dira
    Il dévoilera
    Les choses à venir
    Ce qu’il entendra, il le dira…. c’est de mon bien qu’il recevra
    Lui me glorifiera
    Tout ce qu’a le Père est à moi
    Une petite synthèse de la révélation
  4. LA VÉRITÉ TOUT ENTIÈRE

L’Esprit fait de tous les chrétiens des prophètes


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33. Le partage du pain d’Emmaüs

La présence de Jésus auprès des « disciples d’Emmaüs »… ! L’un des textes les plus beaux des Évangiles, par sa délicatesse, mais aussi par la composition littéraire du récit de Luc.

Cet épisode a donné lieu à de magnifiques représentations picturales. Ceux qui s’y intéressent peuvent télécharger un diaporama de Bernard Legras : Emmaüs, cent oeuvres d’art complétées par des textes (2015).

Pour méditer ensemble et travailler ce chapitre 24 de l’Évangile selon saint Luc, nous nous inspirerons d’un livre de Soeur Jeanne d’Arc, paru en 1977[1].

C’est une façon aussi pour moi de rendre hommage à son travail. Bibliste éminente, décédée en 1993, c’est à elle que nous devons une traduction des quatre Évangiles cherchant à offrir un contact aussi direct que possible avec l’original araméen sous-jacent au texte grec.


TABLE DES MATIÈRES

Luc 24, une structure étonnante !
La grande inclusion
Visage sombre et coeur brûlant

LES PÈLERINS D’EMMAÜS
Un drame en trois actes

  1. La route et la catéchèse
    Une bulle théologique
    Une texture serrée
    Jésus lui-même
    Les choses au sujet de Jésus de Nazareth
    Les femmes
    Les hommes
    Ne fallait-il pas …
    Le plan des Évangiles
    Un modèle de pédagogie
  2. Emmaüs et le partage du pain
    À Emmaüs
    Est-ce une eucharistie ?
    Une allusion à la Cène ?
    Une multiplication des pains ?
    Déjà le jour a décliné
    La grande omission de Luc
    Non omise, mais transposée
    Vivant et invisible
    Le coeur brûlant
  3. Jérusalem et le témoignage
    À Jérusalem
    Le témoignage des Onze
    Le témoignage des deux

EMMAÜS ET DEUX AUTRES VOYAGES
Le bon Samaritain et l’eunuque de Candace
Trois voyages qui nous disent l’Amour de Dieu
Le temps de l’Église

Le récit des pèlerins d’Emmaüs… en conclusion
Annexe : Sur le chemin des Emmaüs


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Chaque jour, j'étudie la Bible !