La lettre aux Galates 1

Catéchèse du pape François 1 : Introduction

Chers frères et sœurs, bonjour!

Après le long itinéraire consacré à la prière, nous commençons aujourd’hui un nouveau cycle de catéchèses. J’espère qu’avec cet itinéraire de la prière nous avons réussi à prier un peu mieux, à prier un peu plus. Aujourd’hui, je désire réfléchir sur certains thèmes que l’apôtre Paul propose dans sa Lettre aux Galates. C’est une lettre très importante, je dirais même décisive, non seulement pour mieux connaître l’apôtre, mais surtout pour considérer certains arguments qu’il affronte en profondeur, en montrant la beauté de l’Evangile. Dans cette lettre, Paul rapporte de nombreuses informations biographiques, qui nous permettent de connaître sa conversion et la décision de mettre sa vie au service de Jésus Christ. En outre, il affronte plusieurs thématiques très importantes pour la foi, comme celles de la liberté, de la grâce et de la manière de vivre chrétienne, qui sont extrêmement actuelles parce qu’elles touchent de nombreux aspects de la vie de l’Eglise de nos jours. Il s’agit d’une lettre très actuelle. Elle semble écrite pour notre époque.

La première caractéristique qui ressort de cette Lettre est la grande œuvre d’évangélisation mise en œuvre par l’apôtre, qui au moins à deux reprises avait visité les communautés de la Galatie au cours de ses voyages missionnaires. Paul s’adresse aux chrétiens de ce territoire. Nous ne savons pas précisément à quelle zone géographique il se réfère, et nous ne pouvons pas non plus affirmer avec certitude la date à laquelle il écrivit cette lettre. Nous savons que les Galates étaient une antique population celte qui, à travers de nombreuses péripéties, s’était établie dans cette région étendue de l’Anatolie, dont le chef-lieu était la ville d’Ancyra, aujourd’hui Ankara, la capitale de la Turquie. Paul rapporte seulement que, à cause d’une maladie, il fut obligé de s’arrêter dans cette région (cf. Ga 4,13). Saint Luc, dans les Actes des apôtres, trouve en revanche une motivation plus spirituelle. Il dit qu’ils «parcoururent la Phrygie et le territoire galate, le Saint-Esprit les ayant empêchés d’annoncer la parole en Asie» (16, 6).

Les deux faits ne sont pas en contradiction: ils indiquent plutôt que la voie de l’évangélisation ne dépend pas toujours de notre volonté et de nos projets, mais demande la disponibilité à se laisser façonner et à suivre d’autres parcours  qui n’étaient pas prévus. Parmi vous, il y a une famille qui m’a salué: ils disent qu’ils doivent apprendre le letton, et je ne sais plus quelle autre langue, parce qu’ils doivent partir comme missionnaires dans ces terres. L’Esprit Saint apporte aujourd’hui aussi de nombreux missionnaires qui quittent leur patrie et s’en vont dans une autre terre en mission.  Mais ce que nous constatons est que dans son œuvre évangélisatrice inlassable, l’apôtre avait réussi à fonder diverses petites communautés, éparses dans la région de la Galatie.

Paul, quand il arrivait dans une ville, dans une région, ne construisait pas immédiatement une grande cathédrale, non. Il créait de petites communautés qui sont le levain de notre culture chrétienne d’aujourd’hui. Il commençait en créant de petites communautés. Et ces petites communautés grandissaient et allaient de l’avant. Aujourd’hui aussi, on utilise cette méthode pastorale dans chaque région de mission. J’ai reçu une lettre, la semaine dernière, d’un missionnaire de Papouasie – Nouvelle-Guinée; il me dit qu’il prêche l’Evangile dans la jungle, à des personnes qui ne savent même pas qui était Jésus Christ. C’est beau! On commence à créer de petites communautés. Aujourd’hui aussi, cette méthode est la méthode évangélisatrice de la première évangélisation.

Ce que nous tenons à noter est la préoccupation pastorale de Paul qui est plein d’ardeur. Après avoir fondé ces Eglises, il s’aperçoit d’un grand danger – le pasteur est comme un père ou une mère qui s’aperçoit immédiatement des dangers pour leurs enfants – qu’elles courent pour leur croissance dans la foi. Elles grandissent et les dangers arrivent. Comme disait quelqu’un: «Les vautours viennent faire un massacre dans la communauté».  Certains chrétiens venus du judaïsme s’étaient en effet infiltrés, commençant avec astuce à semer des théories contraires à l’enseignement de l’apôtre, arrivant même à dénigrer sa personne. Ils commencent par la doctrine: «Cela non, cela oui», et ensuite ils dénigrent l’apôtre. C’est la voie de toujours: ôter l’autorité à l’apôtre. Comme on le voit, c’est une pratique antique que de se présenter dans certaines occasions comme les uniques détenteurs de la vérité – les purs – et de chercher à déprécier, également par la calomnie, le travail accompli par les autres.

Ces adversaires de Paul soutenaient que les païens devaient eux aussi être soumis à la circoncision et vivre selon les règles de la loi mosaïque. Ils reviennent en arrière, aux prescriptions d’avant, les choses qui ont été dépassées par l’Evangile.  Les Galates auraient donc dû renoncer à leur identité culturelle pour s’assujettir à des normes, à des prescriptions et des usages propres aux juifs. Pas seulement. Ces adversaires soutenaient que Paul n’était pas un vrai apôtre et n’avait donc aucune autorité pour prêcher l’Evangile. Et très souvent nous voyons cela. Pensons à certaines communautés chrétiennes ou à certains diocèses: on commence avec des histoires et ensuite on finit par discréditer le curé, l’évêque. Telle est précisément la voie du malin, de ces gens qui divisent, qui ne savent pas construire. Et dans cette Lettre aux Galates, nous voyons cette manière de faire.

Les Galates se trouvaient dans une situation de crise. Que devaient-ils faire? Ecouter et suivre ce que Paul leur avait prêché, ou bien écouter les nouveaux prédicateurs qui l’accusaient? Il est facile d’imaginer l’état d’incertitude qui animait leur cœur. Pour eux, avoir connu Jésus et cru à l’œuvre de salut réalisée avec sa mort et sa résurrection, était vraiment le début d’une vie nouvelle, d’une vie de liberté. Ils avaient entrepris un parcours qui leur permettait d’être finalement libres, alors que leur histoire était tissée de nombreuses formes d’esclavage violent, notamment celui qui les soumettait à l’empereur de Rome. C’est pourquoi, devant les critiques des nouveaux prédicateurs, ils se sentaient perdus et ils se sentaient incertains sur la manière de se comporter: «Mais qui a raison ? Ce Paul ou ces gens qui viennent maintenant en enseignant d’autres choses? Qui dois-je écouter? En somme, l’enjeu était vraiment important!

Cette condition n’est pas loin de l’expérience que divers chrétiens vivent à notre époque. En effet, aujourd’hui aussi ne manquent pas des prédicateurs qui, en particulier à travers les nouveaux moyens de communication, peuvent troubler les communautés. Ils ne se présentent pas tout d’abord pour annoncer l’Evangile de Dieu qui aime l’homme dans Jésus crucifié et ressuscité, mais pour affirmer avec insistance, en vrais “gardiens de la vérité ” – c’est ainsi qu’ils s’appellent –, quelle est la meilleure façon d’être chrétiens. Et ils affirment avec force que le vrai christianisme est celui auquel ils sont attachés, souvent identifié avec certaines formes du passé, et que la solution aux crises actuelles est de revenir en arrière pour ne pas perdre l’authenticité de la foi. Aujourd’hui aussi, comme alors, il existe donc la tentation de se refermer sur certaines certitudes acquises dans des traditions passées.

Mais comment pouvons-nous reconnaître ces personnes? Par exemple, l’une des caractéristiques de leur manière de procéder est la rigidité. Devant la prédication de l’Evangile qui nous rend libres, qui nous rend joyeux, ils sont rigides. Toujours la rigidité: on doit faire cela, on doit faire ceci… La rigidité est propre à ces personnes.  Suivre l’enseignement de saint Paul dans la Lettre aux Galates nous fera du bien pour comprendre quelle route suivre. Celle indiquée par l’apôtre est la voie libératrice et toujours nouvelle de Jésus Crucifié et Ressuscité; c’est la voie de l’annonce, qui se réalise à travers l’humilité et la fraternité, les nouveaux prédicateurs ne savent pas ce qu’est l’humilité, ce qu’est la fraternité; c’est la voie de la confiance douce et obéissante, les nouveaux prédicateurs ne connaissent pas la douceur ni l’obéissance. Et cette voie douce et obéissante va de l’avant dans la certitude que l’Esprit Saint œuvre à chaque époque de l’Eglise. En dernière instance, la foi dans l’Esprit Saint présent dans l’Eglise, nous fait aller de l’avant et nous sauvera.

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