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Qumran n’est pas un monastère d’Esséniens

Marie-Armelle Beaulieu, Terre Saint Magazine, Mai-juin 2022. « Il propose de parler de Qumrâniens, « un groupe spécifique dont l’an­thropologie sous-jacente reste à saisir ».Marie-Armelle Beaulieu, Terre Saint Magazine, Mai-juin 2022.

Il y a 75 ans cette année, le premier manuscrit de Qumrân faisait son apparition au marché noir des antiquités. Trois-quarts de siècle plus tard, le site archéologique n’a pas encore livré tous ses secrets et ce qu’on croyait savoir est fortement remis en cause. Si ce n’est pas un monastère essénien, qu’est donc Qumrân et à qui l’attribuer?

Qumrân com­mence avec une chèvre perdue. Comme une histoire à réca­pitulation, le point de départ est un fait anodin et, de l’anecdote en événements, le site archéolo­gique est devenu un incontour­nable des pèlerinages chrétiens. Mais que vient-on chercher à Qumrân? Et le trouve-t-on en réalité? Frère Dominique-Marie de l’École biblique et archéolo­gique française (Ébaf) en orga­nise régulièrement la visite mais son discours diffère singu­lièrement de celui des autres guides.

Pour un archéologue comme lui, la visite de Qumrân relève de la gageure. « Sur le plan ar­chéologique, c’est un fait que ce n’est pas le lieu le plus enthou­siasmant. Il n’y a pas grand­-chose à voir, ce n’est pas très spectaculaire. » Ce qui le motive est plutôt « d’éviter les ornières ». Et le dominicain de poursuivre :

« Le film (à l’entrée du parc na­tional NDLR) expose que Jean le Baptiste serait venu à Qumrân rencontrer la commu­nauté du Yahad essénien, la­quelle suivait une règle très stricte. Il est vrai que l’on a trouvé dans les grottes un ma­nuscrit avec une règle qui inter­roge tant elle préfigure le mona­chisme primitif. Mais est-ce la preuve qu’il y avait une com­munauté vivant ici ? L’impor­tante quantité de vaisselle re­trouvée lors des fouilles a fait estimer cette communauté de 100 à 200 personnes. Or le site ne se prête pas à accueillir la résidence permanente d’autant de monde. »

Frère Dominique-Marie est lancé et le mythe de la commu­nauté juive « monastique » subit ses premiers assauts. Comment un archéologue de l’Ébaf peut-il écorner la thèse d’un de ses éminents prédécesseurs, le frère Roland de Vaux ? Celui là-même à qui la Jordanie confia les fouilles qui s’échelonnèrent de 1951 à 1956.

« Les fouilles de de Vaux furent gênées en 1956 par la crise du Canal de Suez. Il eut du mal à terminer le projet. En 1967, après la guerre des Six-jours, le terri­toire fut occupé par Israël, et l’Ébaf, obéissant aux lois inter­nationales, interrompit les fouilles. La publication des manuscrits s’en trouva ralentie. Une campagne de presse hostile fut alors lancée: le Vatican au­rait imposé l’arrêt des travaux car les textes remettraient en cause la foi catholique ! » Le re­ligieux s’en amuse mais reprend son sérieux, réaffirmant que « l’Ébaf a obéi aux lois interna­tionales, lesquelles – de fait – ne prévoyaient pas une occupation de plus de 60 ans. Le procès fait à l’Ébaf de retenir l’information est sans fondement. »

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