La bibliste Bénédicte Lemmelijn, spécialiste de l’Ancien Testament, offre un témoignage simple et profond sur la façon dont coexistent la croyante et la savante.
Que croire encore ? La réponse d’une bibliste, de Bénédicte Lemmelijn, Éditions jésuites, 112 p., 14,90 €
« Comment crois-tu et que crois-tu, comme exégète ? » Bénédicte Lemmelijn confie, avec simplicité et profondeur, ce qu’elle retire de la fréquentation assidue de la Bible, ce « livre étrange ». Il existe un « énorme décalage culturel et temporel », rappelle la bibliste, entre nous et ces textes, rédigés en hébreu, en grec et en araméen, sur plusieurs siècles, par des auteurs généralement inconnus, issus d’une société agricole. Sa forme actuelle est « le résultat d’un processus très complexe et très long, de réécriture, d’actualisation et d’ajouts », dit cette professeure d’Ancien Testament à la faculté de théologie et de sciences religieuses de l’université catholique de Louvain (Belgique).
La Bible est « le condensé d’une pensée théologique et culturelle » en évolution constante. C’est s’enfermer dans une « impasse » que de se « crisper » sur la véracité historique des événements rapportés par la Bible, comme le fait « la mentalité moderne », ou s’imaginer qu’il s’agit d’un « reportage journalistique », tandis que d’autres se claustrent dans une lecture littérale (le « fondamentalisme biblique ») qui réduit les textes saints à « un manuel pour décrypter et résoudre les questions actuelles, tant sociales que personnelles ».
Le plus important, souligne ce membre de la Commission biblique pontificale, « c’est d’identifier les messages profonds que les auteurs bibliques ont voulu apporter en témoignage de ce qui se vivait à l’époque au sein de leur communauté ». Le Dieu biblique est, souligne-t-elle, un « Dieu vivant, qui est présent et se fait connaître dans la vie de celui qui le reconnaît ». Contre toute attente, l’universitaire renonce à « saisir » et « comprendre » un Dieu fondamentalement « inconnaissable », car il échappe à toutes nos représentations. À la suite de Nicolas de Cues, théologien allemand du XVe siècle, elle reconnaît sa docta ignorantia (savante ignorance) : « Paradoxalement, on ne peut connaître Dieu que par la conscience de ne pas le connaître », ce qui signifie reconnaître ses limites en « renonçant à agripper » Dieu. La croyante s’en remet à un Dieu dont elle « admet (…) qu’Il existe, qu’Il nous est favorable et qu’Il nous aime ». La foi, dit-elle, devient alors « véritablement un choix, un pas, une option consciemment entretenue et pour laquelle on s’efforce de progresser ».